… certes, c'est un hommage aux quelques sans-abri qui font passer la solidarité et le partage avant la bouteille et la beuverie. Mais cela reste une exception, car ayant fait pas mal de maraudes avec la croix rouge et le secours catholique, la réalité de la précarité et de la misère morale est de toute autre nature. De ce que j'en ai vu, le monde de la rue est univers hostile, faisant peu de place à l'entraide. Les SDF se méfient de tout et de tout le monde, en particulier de ceux qui sont dans la même situation qu'eux. Les vols et les agressions sont monnaie courante, sans faire de jeu de mots, et pour ceux qui essaient de se socialiser dans un groupe, ce n'est que par nécessité d'une protection arrosée par des litres de Villageoise.
Ce n'est pas très réjouissant, je sais. Bien entendu, il existe des SDF qui ne sont pas totalement tombés dans l'alcoolisme et la désocialisation. J'ai d'ailleurs tissé des liens très forts avec des habitués des maraudes qui, pour certains, se sont sortis de la rue parce qu'ils étaient farouchement déterminés à en finir avec cette vie d'errance. Puis, il y a les autres, ceux qui n'espèrent et n'attendent plus rien de la société et qui boiront les 100 dollars (ou euros) sans se soucier une seconde de leurs collègues d'infortune, car le monde qu'ils se sont codifié n'est plus de la justice citoyenne et les bons sentiments. C'est chacun pour soi et uniquement soi.